Été 1998, Giovanni Trapattoni rentre en Italie après un second passage bavarois. Malgré son fort passé juventino, l'entraîneur le plus titré de la péninsule a permis à Firenze de rêver à nouveau du Scudetto. Retour sur son aventure toscane.
Par Nicolas Wagner
Une attaque de rêve
Quand le Trap s'installe sur le banc du Artemio Franchi, les tifosi florentins ne lui déroulent pas tout de suite le tapis rouge. Son long passé d'entraîneur de la Vecchia Signora ne plaide pas en sa faveur à cause de l'animosité des Toscans envers les Piémontais. Mais l'expérimenté manager (59 ans) réussit à retourner l'opinion grâce aux prestations de son trio offensif composé de Gabriel Batistuta, Edmundo et Rui Costa.
Sa Fiorentina évolue principalement dans un 4-3-3 ou un 3-4-1-2 très équilibré. Et même si la priorité de Trapattoni est de ne pas prendre de but, l'armada offensive réalise un début de saison fulgurant. Éliminée rapidement de la Coupe UEFA par les Grasshoppers avec un match retour interrompu et disputé sur terrain neutre *, la Viola se concentre sur le championnat. La phase aller se conclue avec le titre honorifique de champion d'Automne. Après plusieurs années de marasme sportif *, l'espoir d'un scudetto n'est plus illusoire.
« Pour gagner, vous n'avez pas besoin d'aller au lit ou de dîner avec vos coéquipiers. » – Giovanni Trapattoni, à propos de la relation entre Batistuta et Edmundo
Batitstuta, buteur et capitaine, est incontestablement le leader offensif de son équipe. Avec 17 buts en 17 journée, son sens du but n'est plus à présenter. L'élégant Rui Costa, régale et l'alimente régulièrement. Mais le Portugais se montre également habile devant les cages avec 10 buts, le meilleur total de sa carrière. Edmundo, habitué à jouer les premiers rôles au Brésil, a plus de mal à partager la vedette avec Batigol. Et leur manque de complicité en dehors du terrain n'aide pas à améliorer les choses. Mais O Animal enchante le public.
La machine s'enraye
La Fiorentina domine le calcio. L'effectif, renforcé par des internationaux tels que Amor, Heinrich, Repka ou Torricelli, a belle allure. Tout semble aller pour le mieux en Toscane. Mais début février, le Re Leone est sur le flanc. Blessé contre le Milan, et absent pendant plus d'un mois, l'Argentin laisse l'attaque florentine orpheline. D'autant plus que Edmundo, rattrapé par la saudade, est parti au Brésil pour le Carnaval de Rio comme son contrat l'y autorise. Un "spring break" avancé, d'une vingtaine de jours en plein championnat, au rythme du samba, arrosé de cachaça et avec la bienveillance de Vittorio Cecchi Gori. Sans ses deux attaquants stars, la Fiorentina devient aphone.
La belle machine s'enraye et des résultats étonnants parsèment cette phase retour de la Viola comme cette surprenante et lourde défaite sur le terrain de Venezia (4-1) ou ce sévère revers au Renato Dall'Ara (3-0) contre Bologne. La fin de championnat est marquée par une série noire avec une seule victoire en huit matchs pour quatre défaites et trois nuls. En dépit de ces problèmes, Trapattoni parvient tout de même à emmener son équipe en Champion's League avec une belle place sur le podium (3ème) mais très loin du champion milanais (14 points d'écart).
« Toute ma carrière avait été consacrée à essayer de gagner avec la Fiorentina. Je n'ai pas réussi, mais j'ai tout donné. » – Gabriel Batistuta
Cette qualification pour la plus prestigieuse des coupes d'Europe intervient pour le première fois depuis près de trente ans. En effet, leur dernière participation à la C1 date de la saison 1969/70 quand Florence avait chuté en quarts de finale contre le Celtic, futur finaliste malheureux de l'épreuve. Mais cette saison prend des goûts doux-amers avec ce rêve brisé de scudetto mais également cette défaite en finale de Coppa Italia contre Parme survenue uniquement à cause du cumul des buts à l'extérieur (1-1 / 2-2).
Une seconde saison plus mitigée
Difficile de rebondir après une telle fin de saison. Le Trap ne parvient pas à rééditer la superbe performance de son équipe en championnat. La Fio décroche quand même un ticket européen avec une qualification pour la Coupe de l'UEFA (7ème). Batigol termine meilleur buteur du club en Serie A avec 23 réalisations mais le goleador Argentin se distingue également sur les pelouses continentales.
En Champion's League, les Toscans passent facilement l’écueil du Widzew Łódź lors du tour préliminaire. Dans la première phase de poules, Arsenal, le Barça et l'AIK sont les adversaires du groupe. Batistuta climatise Wembley et Florence se retrouve qualifiée pour la seconde phase de poules. Les tenants du titre, Manchester United, n'arrivent pas à museler le bomber et Batigol offre un victoire de prestige à la Viola. Néanmoins, malgré les buts à répétition de son N°9, Florence ne passe pas le cap et reste à quai.
« Nous avions 7 points d'avance sur Milan. Mais sans Batistuta et Edmundo, l'histoire a changé et Milan a réussi à nous rattraper et à nous dépasser, si bien que le rêve de gagner le Scudetto a disparu. » – Giovanni Trapattoni
À la fin de sa deuxième saison sur les rives de l'Arno, Trapattoni décide de quitter le club. Les performances en championnat, les relations compliquées avec les tifosi et la réduction de son staff technique imposée par les dirigeants sont les principales causes du départ du technicien Lombard. Le Trap prend alors en charge la Nazionale. Après son départ, Florence ne rêvera plus jamais de scudetto. En 2002, le fantasque président Cecchi Gori amène le club jusqu'à la faillite et la relégation en Serie C2.
Entraîneur le plus titré du pays, Giovanni Trapattoni a apporté à Florence toute son expérience. La Fiorentina n'a jamais été aussi proche de remporter à nouveau le Scudetto. Mais une série d'événements contraires a changé la donne. Cette équipe, portée par des joueurs de classe mondiale (Batistuta, Rui Costa ...), aurait mérité un autre sort.
* La Fiorentina dispute ce match européen à Salerne suite à la disqualification de son terrain après des jets de projectiles (pièces de monnaie) intervenus en 1997 contre Barcelone. Une bombe agricole éclate, blesse l'arbitre assistant et Olivera, auteur d'un doublé. Le match est interrompu à la fin de la première mi-temps. Le projectile provient de tifosi salernitani hostiles à la Fio. Mais les instances de l'UEFA ne veulent rien savoir et donnent la qualification aux Grasshoppers sur tapis vert.
* L'équipe florentine remporte néanmoins la Coppa Italia et la Super Coppa en 1996.