Ter Stegen vs Neuer: une place pour deux en sélection, tout sauf inédit

- Catégories : Italie

Par Antoine Morin

Indiscutable numéro Un au Barça et considéré parmi les tous meilleurs gardiens en Europe Marc André Ter Stegen reste néanmoins numéro deux dans son pays. Malgré les blessures et des saisons moins spectaculaires que son coéquipier Manuel Neuer reste aux yeux de Joachim Löw LE gardien titulaire de la Nationalmannschaft. Une situation pesante pour un Ter Stegen qui a de plus en plus de mal à cacher sa déception comme il l’avait confié aux médias espagnols en septembre dernier

"Ce voyage avec la sélection a été un rude coup pour moi", lâche-t-il. "Ce n'est pas facile de trouver une explication. Je donne le meilleur de moi-même à chaque match pour rendre la décision plus difficile »

Si Manuel Neuer en capitaine de l’équipe nationale qu’il est également avait répondu en essayant d’apaiser les choses, le Président du Bayern Ulli Hoeness avait lui été bien plus virulent à l’encontre de l’ancien gardien de Mönchengladbach : «  Manuel Neuer est le meilleur et ter Stegen n'a absolument aucun droit (de revendiquer la place) en équipe nationale". "ter Stegen salit un sportif totalement irréprochable comme Manuel Neuer (…) J'attends qu’ils (la fédération) prennent ce Monsieur ter Stegen entre quatre yeux et qu'ils lui expliquent que ça ne doit pas se passer comme ça ». Hoeness a même menacé de ne plus libérer les joueurs du Bayern si Neuer perdait sa place de Numéro 1 en sélection.Une situation tendue à gérer donc pour le sélectionneur Joachim Löw, mais qui n’est pas inédite. Par le passé en Allemagne comme dans d’autres sélections la guerre des goals a eu lieu, parfois de manière virulente mais pas toujours.

Kahn vs Lehmann : le choix fort de Klinsmann.

Nommé à la tête de l’équipe nationale d’Allemagne au lendemain d’un Euro 2004 catastrophique qui a vu les vices champions du monde rentrer à la maison dès le premier tour, et avec la coupe du monde à domicile 2 ans plus tard comme objectif, Jürgen Klinsmann va prendre une décision qui parait dingue au début de son mandat : mettre en réelle concurrence Oliver Kahn et Jens Lehmann pour le poste de gardien titulaire. Capitaine, vice champion du monde, vainqueur de la Ligue des Champions en 2001 et considéré par certains comme le meilleur gardien du monde à ce moment Oliver Kahn est un monument du football allemand qui semble alors indéboulonnable. Une situation d’ailleurs difficile à vivre pour Jens Lehmann, titulaire à Arsenal mais contraint de rester dans l’ombre du grand Kahn. Plus que des rivaux sur le terrain, les deux hommes se détestent cordialement et ne s’adressent pas la parole. La situation de Lehmann en sélection est d’autant plus compliquée que l’entraineur des gardiens de la Mannschaft n’est autre que le légendaire Sepp Maier qui est également celui du Bayern où il entraine au quotidien Oliver Kahn. Pour avoir pris parti en faveur de son poulain Maier est d’ailleurs écarté en octobre 2004 et remplacé par Andreas Koepke. L’arrivée de l’ancien gardien de l’OM, complètement neutre, contribue à redistribuer les cartes conformément au souhait de Klinsmann. « Jusque là je devais pas me battre contre Oliver Kahn sur des critères de performance ou de qualités mais contre le lobby du Bayern qui est le club le plus puissant. Jürgen Klinsmann été celui qui eu le courage de changer les choses. » a d’ailleurs expliqué Jens Lehmann dans un entretien en 2016.

Libéré par cette opportunité de se battre à la loyale pour le poste Jens Lehmann va alors réaliser les meilleures saisons de sa carrière à Arsenal. Et après 2 saisons d’alternance dans les buts de la sélection c’est en mai 2006 que Klinsmann confirme officiellement que Jens Lehmann est le gardien titulaire pour la coupe du monde à domicile. Kahn déchu et furieux notamment que Klinsmann ne lui ait jamais donné l’explication qu’il attendait accepte finalement son rôle de doublure et assiste du banc au parcours de la Mannschaft éliminée en demi-finale par l’Italie et joue son dernier match sous la maillot national à l’occasion de la petite finale remportée par le pays hôte 3-1 face au Portugal.

Barthez vs Coupet : dénouement cruelle pour le Lyonnais.

La place de numéro 1 de l’équipe nationale pour la coupe du monde 2006 a également été l’objet d’une forte rivalité en équipe de France entre Grégory Coupet et Fabien Barthez. indéboulonnable titulaire chez les Bleus depuis la coupe du monde 1998 Fabien Barthez n’a pas suivi Zidane, Lizarazu, Thuram et Makélélé partis à la retraite après l’Euro 2004. Revenu à l’Olympique de Marseille le gardien est l’un des hommes d’expérience sur qui compte Raymond Domenech pour bâtir son groupe en vue du mondial 2006. Élément majeur de l’Olympique Lyonnais Grégory Coupet est son numéro 2. Mais pour avoir craché en direction de l’arbitre lors d’un match amical entre l’OM et le Wydad Casablanca en février 2005 Fabien Barthez est suspendu par la fédération française de football pour une durée de 6 mois. C’est donc Grégory Coupet qui garde les buts de l’équipe de France pour les derniers matchs de qualification au mondial, dont la fameuse victoire 1-0 à Dublin contre l’Irlande. Le gardien de l’OL est alors à son tout meilleur niveau en club comme en sélection et il est alors persuadé que tout ce qu’il a accompli depuis un an fait de lui un choix légitime pour garder les buts des Bleus en Allemagne. Il va déchanter un mois avant le début du mondial quand Domenech lui annonce sa décision de faire de Barthez le titulaire lors d’un entretien dans un hôtel de Lyon. « Je le regarde parler, mais je ne l’écoute pas. Il est un objet transparent. Jai la sensation davoir en face de moi deux types à qui jai juste envie de casser la gueule. () Je rentre chez moi et annonce la nouvelle à ma femme.Je suis décomposé, au fond du trou. Je retourne le problème dans tous les sens et jen arrive à une double conclusion : soit Domenech a subi le poids des anciens, soit Barthez a menacé de ne pas venir en Allemagne sil était gardien numéro 2.» écrit il dans son Autobiographie « Arrêt de jeu » sorti en 2011. Ravalant sa fierté Coupet accepte finalement son rôle de numéro 2 mais craque lors du stage de Tignes après que Barthez n’ait pas fait l’ascension du glacier avec le reste du groupe. Le gardien de l’OL prend alors sa voiture et quitte Tignes bien décidé à ne pas revenir avant de se raviser sur les conseils de sa mère et de son coach de l’époque Gérar Houllier. Toujours dans « Arrêt de jeu » il raconte également l’explication entre lui et Raymond Domenech suite à son faux départ : «Je continue sur ma lancée et lui en remets plein la gueule. Je lui rentre dedans, lui crie dessus, le pousse à bout. Puis je me dis que je vais enfin lui poser cette question qui m’obsède depuis des jours. Je le regarde droit dans les yeux et lui demande : "Pour vous, cest qui le meilleur ?" Domenech ne répond pas. Je répète trois fois la question, à chaque fois de plus en plus fort. Tout dun coup, avec une toute petite voix, il me dit : "C’est toi…" Je suis scotché par ses propos, incapable de dire quoi que ce soit. Domenech n’a même pas le courage de me dire en face que Barthez est son choix. Il mavoue que je suis meilleur que lui. » Coupet va donc vivre du banc le parcours des Bleus jusqu’en finale, et n’aura finalement joué comme titulaire qu’un seul tournoi international : l’Euro 2008 ponctué d’une élimination dès le 1er tour.

Pagliuca vs Peruzzi : chacun son tour

Au coeur des années 90 la Serie A est le meilleur championnat du monde. les clubs italiens raflent Coupes d’Europe sur Coupe d’Europe que ce soit C1, C2 ou C3. Et dans les buts des grands clubs de la Botte d’excellents gardiens qui postulent tous à une place de titulaire au sein de la Sqaudra Azzura : Gianluca Pagliuca un des héros du Scudetto de la Sampdoria en 91 qui va ensuite porter les couleurs de l’Inter. Angelo Peruzzi, formé à la Roma mais surtout gardien numéro 1 de la Juve trois fois finaliste de la Ligue des Champions en 96, 97 et 98. Luca Marchegiani record de transfert pour un gardien lorsqu’il rejoint la Lazio en provenance du Torino en 1993 pour 7 millions d’euros (45 millions de Francs à l’époque). Dès sa prise de fonction à la tête de la Sqaudra Azzura en 1991 Arrigo Sacchi a frappé fort concernant le poste de gardien de buts. Exit le légendaire Walter Zynga titulaire lors du Mondial 90 à la maison, ainsi que son numéro 2 Stefano Tacconi, au profit de Pagliuca et Marchegiani plus jeunes et capables de s’adapter à la défense de zone avec laquelle Sacchi a révolutioné le football à l’AC Milan et qu’il compte importer avec la Nazionale. Pagliuca est choisi comme numéro 1 pour le mondial 94 aux USA, et même si il est exclu lors du deuxième match de poule contre la Norvège, ce dernier est l’un des artisan du beau parcours italien, battu seulement aux tirs au but en finale par le Brésil malgré que Pagliuca ait arrêté le tir de Marcio Santos (échecs de Baresi et Baggio). Mais Pagliuca perd sa place durant la saison suivante. Alors qu’il vient de passer de la Sampdoria à l’Inter, Angelo Peruzzi brille lui dans les buts de la Juventus entraînée par Marcelo Lippi. Victorieux de la Ligue des Champions en 1996 avec la Vieille Dame, Peruzzi est le gardien titulaire pour l’Euro 96 en Angleterre. une compétition pour laquelle Pagliuca n’est du reste pas retenu puisqu’il dispute lui cet été là les Jeux Olympiques à Atlanta. Sacchi rappelé au Milan par Berlusconi en 1997, Cesare Maldini confirme Peruzzi comme numéro 1 avec Pagliuca comme numéro 2. C’est avec cette hiérarchie là complétée par le jeune et prometteur Gigi Buffon que l’Italie doit disputer la Coupe du monde 1998 en France. Mais une blessure de dernière minute prive le gardien de la Juve de la compétition et c’est Pagliuca qui dispute les 5 matchs de la Squadra éliminée en quart de finale par la France aux tirs au but malgré l’arrêt de Pagliuca devant Lizarazu. Pagliuca arrête la sélection après cette coupe du monde, mais Peruzzi lui ne retrouvera sa place de numéro 1 qu’une seule saison. Le plus grand gardien de l’histoire du foot italien Dino Zoff préférant installer Buffon et Toldo. Du reste alors que la concurrence avec Paglicua a toujours été très saine en dépit des nombreux débats sur le poste de gardien dans les méditas italiens (un mouvement en faveur de Sebastian Rossi très bon avec l’AC Milan de Cappello ayant également existé juste après la coupe du monde 94), Peruzzi va mal vivre de se faire supplanter par le duo Buffon Toldo au point de refuser le rôle de troisième gardien pour l’Euro 2000 avec la justification suivante : « Je ne vois pas l’intérêt d’une telle convocation, la mascotte de l’Euro a déjà été choisie. » Il acceptera finalement le rôle de doublure de Buffon en 2004 sous les ordres de Trapattoni et surtout en 2006 sous ceux de Lippi, remportant au passage la Coupe du monde même si il n’a pas foulé les pelouses allemandes. Concernant la rivalité Buffon-Toldo, elle n’eut jamais vraiment lieu le second n’ayant joué l’Euro 2000 que suite à la blessure de Buffon titulaire indéboulonnable de la Squadra de l’EUro 2004 à l’Euro 2016.

Casillas vs Canizares : la blessure qui change tout

Au début des années 2000 l’Espagne se cherche un nouveau gardien. Andoni Zubizarreta a pris sa retraite internationale après une coupe du monde 1998 ratée qui a vu la Roja être éliminée au premier tour. Pour l’Euro 2000 Jose Antonio Camacho emmène Juan Molina tout juste champion d’Espagne avec La Corogne, Santiago Canizares finaliste de la Ligue des Champions avec Valence et le jeune Iker Casillas, 20 ans, vainqueur de cette même Ligue des Champions avec le Real. Choisi pour démarrer la compétition alors qu’il est loin de faire l’unanimité notamment dans la presse, Molina se troue complètement lors du premier match contre la Norvège précipitant la défaite de la Roja. Canizares lui succède dans les buts pour les deux matchs de poules suivants dont le spectaculaire 4-3 contre la Yougoslavie qui qualifie les Espagnols pour les quarts. S’il ne peut rien faire sur les deux buts de Zidane et Djorkaeff en quart de finale Canizares a gagné ses galons de titulaires. Il enchaîne les matchs lors des qualifications pour le mondial 2002 et continue de briller avec son club quand son jeune numéro 2, Casillas connaît lui quelques difficultés à confirmer. En 2002 Casillas a même perdu sa place de titulaire au Real Madrid au profit de César mais deux concours de circonstances vont jouer pour lui. Largué dans une Liga remportée par le Valence de Canizares, le Real mise toute sa fin de saison sur la Ligue des Champions et affronte le surprenant Bayer Leverkusen en finale à Glasgow. Suite à la blessure de César le gardien de 21 ans rentre sur la pelouse à la 68e minute. Au plus fort de la domination du Bayer qui pousse pour égaliser, Casillas, très critiqué cette saison là va réussir des arrêts décisifs qui préservent le succès du Real qui s’offre là sa 3e Ligue des champions en 6 ans et la 9e de son histoire. SI cette finale est importante pour la confiance du jeune Casillas, son statut en sélection n’est pas censé changer pour autant et c’est Canizares qui doit être le gardien titulaire de la Roja en Corée et au Japon pour la coupe du monde qui démarre quelques jours plus tard. Sauf qu’une fois encore le sort avec jouer en faveur de Casillas. En faisant tomber son flacon de parfum, Canizares se blesse gravement au pied à quelques jours du début du tournoi. Casillas est donc propulsé comme titulaire pour sa première coupe du monde. Si l’Espagne s’arrête en quart de finale battue par la Corée du Sud aux tirs au but, Casillas a brillé durant la compétition et notamment en huitième de finale où il a repoussé un penalty de Robbie Keane dans le temps réglementaire et deux tirs au but irlandais lors de la séance. Désormais installé comme titulaire Casillas ne rendra plus sa place et Canizares qui malgré le titre de meilleur gardien de la Liga en 2004 ne parvient pas à déloger son concurrent et se contente du rôle de 2e gardien pour l’Euro 2004 et la coupe du monde 2006 à l’issue de laquelle il prend sa retraite internationale laissant Casillas devenir le capitaine des champions d’Europe 2008 et 2012 et du monde 2010 ainsi que le joueur le plus capé de l’histoire de la Roja.

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